J'ai signé l'appel de Médiapart sans état d'âme. Pour au moins trois raisons qui, outre les aspects vulgairement électoralistes de l'opération de Besson, interdisent de participer à un tel débat :
1) "L'identité" est un concept fixiste, pour état civil et feuille d'impôt. Je suis né(e) Dupont et je resterai Dupont jusqu'à ma mort, sauf très hypothétique et laborieuse procédure de changement de nom. On peut aussi, comme individu, se créer une "identité", faite de caractéristiques spécifiques, mais on est déjà, dans ce cas, dans le cadre d'une construction, d'un processus, sauf à croire, comme Sarkozy a paru le dire parfois, au primat de l'inné et à nier la liberté. En revanche, l'identité, appliquée aux nations est un terme dangereux : hormis la langue (qui évolue elle aussi d'ailleurs), les citoyens d'un pays ont et doivent avoir, dans le respect des lois, tous les choix de comportements, d'idéologies et de croyances, que celles-ci aient pris naissance en Auvergne ou 10 000 kilomètres plus loin. Qu'il puisse y avoir néanmoins, hors du champ du politique (respect des principes républicains), des facteurs de cohésion propres aux habitants d'un pays, un peu de ciment émotionnel, c'est une évidence, mais ce n'est pas à un gouvernement d'en décider la composition à travers des réunions pilotées par des préfets. En plus, quoique certains puissent dire, cela se fait tout seul. Si je peux citer une expérience personnelle : jeune prof d'histoire à Dreux en 1983/85 (époque FN dans la ville, donc très forte tension "communautaire"), je constatais chaque année, assez sidérée, que le cours sur l'art musulman laissait les élèves à peu près indifférents mais que tous, absolument tous, s'extasiaient...sur les châteaux de la Loire.
2) L'idée que refuser le débat sur " l'identité nationale" ferait partie de l'attitude traditionnelle de la gauche consistant à ne pas voir les "vrais" problèmes du "peuple" n'est pas davantage acceptable. Regarder en face les problèmes de délinquance et d'incivilité, c'est évidemment absolument nécessaire. Ne pas sous-estimer les difficultés crées par certains jeunes, ne pas être angélique face à la force de l'islamisme, une des grandes idéologies transnationales du moment, tout en percevant aussi le niveau de racisme plus ou moins ouvert d'une partie de la population "blanche", c'est un devoir de réalisme politique. Mais quel rapport avec "l'identité nationale", sinon celui qu'y met le FN? En revanche, un président qui malmène la syntaxe la plus élémentaire et fait huer "La princesse de Clèves" (le premier roman français mais aussi le premier roman européen, si on ne range pas Don Quichotte dans cette catégorie), voilà qui insulte, sinon notre identité, du moins notre patrimoine commun.
3) Enfin, comme tout le monde l'a déjà dit, cette tribune de Sarkozy dans le Monde qui met face à face des citoyens définis par leur religion est insupportable. S'il y a une exception française, c'est bien le droit reconnu à l'agnosticisme et à l'athéisme. Non seulement le droit d'ailleurs, qui existe formellement dans les pays démocratiques, mais aussi l'absence de pénalisation sociale et politique de ce choix. On sait bien qu'aux Etats Unis, personne n'est élu, à quelque niveau que ce soit, sans avoir affiché une appartenance religieuse. Dieu nous protège de cette nouvelle atteinte de Sarkozy au particularisme français !
mercredi 16 décembre 2009
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